Nous sommes dimanche. Je suis rentrée tard d'un diner avec deux copines
où nous nous sommes racontées nos histoires de mecs (et accessoirement
faites brancher par un couple qui nous proposait un plan alors que nous
étions tranquillement installées en terrasse! Ok, le fait que nous trinquions en nous embrassant y est peut être pour quelque chose...)
Je suis fatiguée.
Ma vie ces derniers jours a été particulièrement agitée: le Cap, Chat,
beaucoup de travail, peu de sommeil, etc. Une fois de plus, je me suis
réveillée trop tôt.
Je me traine jusqu'au canapé, un café et une clope à la main. Je m'y m'effondre en soupirant.
Machinalement, j'allume mon ordi, regarde mes mails et fais un tour sur facebook. Classique.
J'ouvre aussi une fenêtre sur Netech'.
Comme
d'hab', ça tourne en tache de fond sans que je m'en préoccupe. Comme
d'hab', le tchat se met à clignoter dans tous les sens, je reçois des
"coups de coeur" et des messages privés. C'est pas que je sois blasée
mais c'est une constante... Une femme seule là-dessus et c'est la grande
parade comme chez Disney. Il faut dire que nous sommes une denrée rare
autant recherchée par les couples que par les hommes quand ce ne sont
pas les trav ou même les autres femmes.
Comme d'hab', de temps en
temps, je regarde qui m'a écrit. Comme d'hab', la plupart du temps, les
messages sont à côté de la plaque. "salusava?" "Efketubez?",
copier/coller bourrés de fautes, propositions diverses et variées qui ne
correspondent pas à ce dont j'ai envie. Je ne prends même plus la peine
de répondre (oui, c'est mal poli.)
Je suis pourtant claire:
homme, vrai libertin, dans ma tranche d'âge, proche de chez moi, de
préférence un peu déjanté mais pas compliqué, sachant écrire.
Au
milieu de tout ça, de temps en temps, je tombe sur quelqu'un qui
parvient à attirer mon attention. Nous discutons un peu et si le courant
passe, je rencarde dans la foulée. Le jour même ou le lendemain.
Inutile d'attendre, nous savons tous pourquoi nous sommes là.
Ce dimanche-là, c'est comme d'hab'. Rien.
A un moment, je clique sur le profil d'un mec qui m'a abordée en tchat: même âge et dans une ville voisine.
Je tombe sur un type qui a une bonne tête de gendre idéal. Ma foi, pourquoi pas?
Après les politesses d'usage, il me propose de venir faire la sieste chez lui.
Ça
me fait beaucoup rire et je lui explique que je ne suis pas très
enthousiaste à l'idée de venir chez un parfait inconnu au risque de
finir découpée en rondelles dans son congélo.
T'inquiète pas, j'ai pas assez de place dedans. me dit BN.
C'est un argument comme un autre.
Nous
poursuivons notre conversation et c'est plutôt fluide voire très
fluide. Même champ lexical et expressions, même blagues vaseuses, etc.
Finalement, je le sens bien ce garçon.
Mais bon, me rendre chez un inconnu: hors de question. Pis, je suis fatiguéééée!
Il
ne lâche pas l'affaire et finit par me proposer le deal suivant: il va
chercher quelques gâteaux pour le goûter, je le rejoins en face de chez
lui (c'est à dire un commissariat) et s'il ne me revient pas, je
continue ma route. Sinon, nous pouvons monter chez lui et simplement
prendre un café avec les gâteaux. A partir de là, nous sommes adultes et
rien ne nous oblige à rien. Au pire, on fait la sieste.
Moui,
mébon, ma maman m'a dit de pas faire confiance aux inconnus. Moui, mais
quand même, il est sympa, il me plait à priori bien, je n'ai rien de
prévu ce dimanche. Moui mébon quand même, c'est pas prudent. Raaaah et
puis ta gueule Prudence! Elle n'a qu'une vie! (moment schizophrène.)
J'accepte.
Je
fonce sous la douche et j'enfile une tenue du dimanche (jupe/tshirt
basique.) Même avec du maquillage, j'ai une giga tête de zombie. Je le
préviens de mon état peu présentable. Il me répond que ce n'est pas
mieux de son côté: gros dossier à rendre, il a déjà 3 jours de retard,
il n'est pas rasé et se trouve actuellement au bureau.
Soit.
Je
tourne un peu avant de trouver une place pour me garer. Je ne suis pas
très fière en descendant de ma voiture. Y'a toujours Prudence qui me
turlupine avec ses idées de psychopathe sanguinaire. Coucou Dexter!
Lui, a repéré à 15 000 ma caisse de pétasse de compet'.
Lui, SMS: "Arrivée triomphante en pouffe mobile!"
Je m'avance et aperçois au loin une vague silhouette en chemise blanche. Au moins, il n'a pas menti, il est grand.
Sourire tendu, bonjour. Je le suis.
Chez
lui, c'est assez froid. Peu de meubles, peu de déco. Un appart' certes
plutôt spacieux mais de mec célib' qui ne doit pas souvent être là
(Prudence: "c'est sa garçonnière, cherche pas!")
Premiers instants un peu tendus comme toujours.
Café, gateaux.
Ca se détend...
Nous discutons de nos expériences. On se marre.
Une
demi-heure plus tard, je me suis installée plus confortablement, jambes
pliées sous moi sur le canapé. Sa main est sur mon genou.
Un quart d'heure plus tard, nos visages se sont bizarrement rapprochés.
Ah ben, tiens, nous sommes en train de nous embrasser là, non? (Prudence ne moufte plus.)